Ce n’est pas un destin

Entretien avec réalisé à Cayenne (Guyane) et publié le .
Les gens ont le droit comme tout le monde d'être tristes, d'être en colère, d'avoir des moments qui vont pas bien dans leur vie. Ils n'ont pas un destin.

Je m'appuie sur des théories motivationnelles. Donc, j'explique ce que c'est, essentiellement là-dessus, pour leur expliquer qu'il faut pas juger les gens. "Il est dans le soin ou non." "Il manipule ou non." Leur dire qu'il peut ou il peut pas. Il est capable de ou pas.

Moi, je suis assez pragmatique. Donc, par exemple, sur l'alcool, on essaie d'évaluer les troubles cognitifs avec un collaborateur psychologue – même de les quantifier. Je suis pas du tout un prosélyte de faire des échelles, de méta-score. Lui, il rentre à 3 et sortira du service à 2. C'est pas dans ce sens-là.

Au contraire permettre d'enlever toutes ces scories que le personnel a en termes de "Le patient veut ou veut pas." "Il nous manipule ou pas." C'est un… on dit pas vicieux, mais on le pense un peu. C'est un pervers, pour faire joli. Parce qu'il y a ça, quand même.

Et donc, s'appuyer sur la technique, après on pourra dire on s'en passera. Mais en tout cas ça marche. Dans mon équipe, ça marche depuis qu'on le fait. Je dis depuis qu'on le fait parce que, pendant des années j'avais… Parce qu'à l'hôpital, il y a une hierarchie : les infirmiers, les cadres, etc. Et le cadre n'était pas partie prenante de ça. Il était sur un mode de pensée très dichotomique – le bien, le mal, les malades ou non.

Depuis que cette personne est partie, on a pu monter, et ça passe par l'enseignement. Donc, si on apprend au personnel au contact des patients. Alors ça peut évoluer, en fonction des théories. Mais tout ce qui est de l'ordre du concept motivationnel, de ce qui est présent, des symptômes psychiatriques – en particulier pour la bipolarité.

Tout ce qui est du "et en même temps", c'est-à-dire que les gens ont le droit aussi, comme tout le monde, d'être tristes, d'être coléreux, d'avoir des moments qui vont pas bien. Ils ont pas un destin, voilà.

On est là, des espèces de techniciens, mais dans le bon sens du terme, ou perstataires de services. On est là avec ce que l'on connait pour les aider au moment T, là où ils sont. Et là-dedans si, effectivement, la problématique du produit ou de la consommation est là. La personne qui a un profil ou qui débute une schizophrénie et qui est bourré de cannabis, le concept actuel est de penser que ça va pas bien ensemble.

Moi, je me donne le droit d'intervenir. Je me dis pas que je suis passif, que j'attends si le patient veut ou pas. Moi, j'informe.

Richard Millot. Médecin psychiatre au Centre Hospitalier de Cayenne, en Guyane (France). Centre Hospitalier de Cayenne, Guyane Trois questions à… Richard Millot