Un parcours de ruptures

Entretien avec réalisé le à Paris (France)
et publié le .
On se rend compte de la pauvreté de ce qui peut être proposé dans la suite du parcours. On parle souvent de continuité et ce qui est assez troublant c'est que, dans les différents moments d'évolution de notre maladie, tout est fait de ruptures.

L'avancée rapide de ce parcours est quasi à 100% liée à ces personnes-là. Pour revenir à la question des dossiers médicaux et compte-rendus d'hospitalisation, on se rend compte de la pauvreté de ce qui peut être proposé dans la suite du parcours.

Et puis, on parle souvent de continuité, de non-rupture et ce qui est assez troublant c'est que, dans les différents moments d'évolution de notre maladie, tout est fait de ruptures. Pas que la nôtre, par rapport à notre état de santé. Pas que celle de notre entourage, parce que c'est difficile pour nos familles et nos amis. Et que, dans ces moments, on est peut-être incompris. Mais des équipes.

C'est-à-dire que chaque moment, des choses qui m'ont marqué, c'est quand on dit "Maintenant, on ne peut plus vous prendre en charge. Vous en êtes à tel moment qu'on passe la main. Alors, je peux comprendre qu'il y a besoin d'une intensité différente à différents moments. Et que peut-être l'hospitalisation, on va dire, c'est l'équivalent des soins intensifs ou de la réanimation, dans les soins somatiques. Et que ça nécessite peut-être des compétences différentes. Mais je comprends pas pourquoi ça peut pas s'inscrire comme des temps dans une continuité.

Je sais que, lors de ma dernière rechute, ça m'a coupé de tout lien avec les équipes et les soignants qui me prenaient en charge avant. Comme si je leur renvoyais un sentiment d'échec, dans ce qu'ils avaient pu m'apporter. Et que je comprends, parce que je le revois très bien, là, en tant que soignante. Dans des moments de crise ou décompensation de la part de patients.

Il y a souvent ce terme qui revient : "Il a mis en échec" ou "On est en échec". Et on se rend pas compte, à vivre pour la personne qui le traverse, c'est une rupture supplémentaire. Et je crois que ça fait partie des choses qui restent un peu traumatiques. Je suis assez attachée à ce qui essaie de se mettre en place, à l'heure actuelle, sur les directives anticipées. Et je suis en train d'essayer de rédiger les miennes. Même si j'ai pas envie de rechuter et que j'espère que les choses pourront se stabiliser, mais c'est important de pouvoir les rédiger.

Et, dans les personnes ressources, pour moi c'est important qu'il puisse y avoir toutes ces personnes que j'ai pu rencontrer au cours de ma prise en charge. Et si on croit aux directives anticipées – enfin croire, non, c'est pas une croyance. Si c'est pris en considération, ce qui veut dire que normalement ça devrait être lu et accepté par les personnes qui nous prennent en charge.

Je me dis que je vais reprendre contact avec ces différentes personnes qui ont été là à un moment donné de mon parcours et leur dire : "Dans mes directives anticipées, c'est important pour moi que vous soyez là, d'une façon ou d'une autre." Déjà pour témoigner d'autres moments. Déjà pour enrichir cette anamnèse qui est souvent manquante.

Et parce que, dans mon parcours, je peux pas concevoir qu'il soit découpé en tranches napolitaines. C'est un peu ça, quoi. Je préférerais que ce soit quelque chose qui soit plus une émulsion, plus réussie, que la tranche napolitaine.

Cécile Glaser. Soignante en psychiatrie avec un parcours autour de la maladie psychique, à Paris (France).